Techniques pour assurer la visibilité et la sécurité en navigation maritime: Voir et être vu

La sécurité en mer repose sur plusieurs principes fondamentaux dont celui de voir et être vu.

Une veille visuelle et auditive permanente est essentielle pour évaluer les situations et prévenir les risques d’abordage.

A cet égard, le RIPAM stipule:

Règle 5 — Veille
Tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et auditive appropriée, en utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux circonstances et conditions existantes, de manière à permettre
une pleine appréciation de la situation et du risque d’abordage.

Règle 6 — Vitesse de sécurité
Tout navire doit maintenir en permanence une vitesse de sécurité telle qu’il puisse prendre des mesures appropriées et efficaces pour éviter un abordage et pour s’arrêter sur une distance adaptée aux circonstances et conditions existantes.

En cas de visibilité réduite, comme le brouillard, il est crucial de renforcer cette veille et d’adapter sa vitesse pour pouvoir réagir efficacement aux dangers potentiels.

Cet article explore les différentes techniques permettant d’assurer cette double exigence, notamment :

  • Technique visuelle : Maintien d’une veille active à 360°, utilisation appropriée des feux de navigation et compréhension des limitations liées à la courbure terrestre et aux angles morts du navire.

  • Technique auditive : Emploi de signaux sonores réglementaires, tels que la corne de brume, conformément aux directives du RIPAM, pour communiquer efficacement en conditions de visibilité réduite.

  • Technique VHF (AIS) : Utilisation de la radio VHF marine, équipée d’un récepteur AIS, pour échanger des informations cruciales avec les navires à proximité et améliorer la conscience situationnelle.

  • Technique radar : Intégration de systèmes radar pour détecter les obstacles en temps réel, renforçant ainsi la capacité à anticiper et à éviter les collisions, même en cas de visibilité limitée.

 

Voilier dans la brume

Dans le brouillard, outre la nécessité de savoir se repérer avec ou sans GPS, dans cet article nous allons explorer les moyens de voir et d’être vus.
Nous avons identifié 4 grandes techniques:

  • Visuelle
  • Auditive
  • VHF
  • Radar

Le tableau ci-dessous résume notre approche:

TechniqueVOIRETRE VU
VisuelleDans le cockpit:
- Veille active renforcée 360° à une vitesse plus faible (réduction de la voilure ou du moteur)
Dans le gréement et/ou sur le bastingage :
Feux de position
AuditiveDans le cockpit:
- Veille active renforcée
Dans le cockpit:
- Corne de brume
VHF marine (AIS)Dans le carré ou la table à carte:
Radio VHF fixe avec récepteur AIS intégré

Dans le cockpit:
- Radio VHF mobile avec récepteur AIS intégré, et/ou
- Ecran avec affichage des informations reçues par l'AIS
Dans le gréement:
Antenne VHL couplée au transpondeur AIS Classe B / B+ actif
RADARDans le carré ou la table à carte:
- Radar
actif
Dans le cockpit:
- Détecteur MER-VEILLE
Dans le gréement:
Réflecteur passif octaédrique (Surf. Eq. 7 m2

Technique visuelle: la première ligne de défense du navigateur

Même à l’ère des instruments électroniques, la veille visuelle reste un pilier fondamental de la sécurité en mer. Elle est obligatoire en toutes circonstances, comme le rappelle la règle 5 du RIPAM, qui impose une veille permanente « visuelle et auditive appropriée ».

Voir activement pour anticiper

Une bonne veille visuelle repose sur :

  • Une observation constante à 360°, surtout dans le brouillard ou la nuit.
  • Une réduction de la vitesse (sous voiles ou moteur) pour gagner en temps de réaction.
  • Une surveillance renforcée des zones d’angle mort, notamment celles masquées par les voiles d’avant, le bimini ou le roof.

Points de vigilance spécifiques :

La veille visuelle, impérative par tout temps, commence par les consignes du chef de bord et repose sur une organisation efficace des quarts, notamment pour la nuit, et en particulier avec un équipage restreint.

💡 Astuce skipper : programmer un réveil toutes les 10 à 15 minutes est une aide précieuse pour relancer la vigilance en navigation de nuit ou en solitaire.

Toutefois, gardons en tête ces quelques points:

  • La vitesse relatives des navires: Sachant qu’un porte-conteneur avance à une vitesse comprise entre 15 et 25 nœuds. De nuit, un voilier de croisière de 34 pieds avance avec une vitesse d’environ 5 nœuds. Il en résulte qu’en 10 minutes, un abordage pourrait intervenir si le porte-conteneur se situe à moins de 5 miles nautiques.
  • La visibilité minimale des feux de navires: La règle 22 du RIPAM exige une portée lumineuse des feux supérieure à 2 voir 3 miles en fonction de la longueur du navire.
  • La courbure de la terre et la limite de l’horizon: La visibilité maximale en journée, par beau temps, est limitée par la courbure de la terre, de sorte, que notre horizon local se situe à une distance d’environ 3 miles, en fonction de notre hauteur d’observation. Néanmoins, un grand phare pourra être vu de plus loin  comme l’explique le schéma ci-dessous (source: sailingissues.com).

Calcul distance visibilité navigation horizon

  • Les angles morts du bateau: en effet, le secteur occupé par la voile d’avant (génois, Spi, etc.), le roof,  peuvent occulter une partie du champ visuel aisément accessible. Dans ce cas soit un binôme se trouve dans le cockpit, soit une aide à la navigation devrait être envisagée (AIS, Radar).

Être vu : les feux de navigation

Pour être repéré par d’autres navires :

  • Vérifiez en permanence le bon fonctionnement des feux de position, adaptés à votre configuration (mouillage, en route, moteur, voile).
  • Positionnez-les de manière visible : en tête de mât, sur le balcon avant ou latéral selon les cas.

En résumé :

  • VOIR : par une veille 360°, de jour comme de nuit, soutenue par une organisation des quarts.
  • ÊTRE VU : par des feux de navigation correctement positionnés, testés et bien visibles.

Une bonne veille commence par les yeux, se prolonge par les oreilles, et se complète avec les instruments électroniques. Mais sans l’attention de l’équipage, aucun cap ne reste sûr.

Technique auditive: écouter pour détecter… et se signaler

Lorsque la visibilité se dégrade, l’ouïe prend le relais de la vue. En mer, certains dangers s’annoncent d’abord par le son : un moteur qui approche, un sifflement d’hélice, une corne de brume… D’où l’importance de maintenir une veille auditive permanente, exigée par le RIPAM (règle 5).

Entendre ce que l’on ne voit pas

Une veille auditive efficace implique :

  • Un silence attentif dans le cockpit, notamment en réduisant les bruits parasites (moteur, musique, VHF trop forte).
  • Des pauses régulières d’observation en silence, pour mieux percevoir les sons faibles.
  • Une coordination de l’équipage pour que chacun écoute dans une direction, notamment en présence de trafic maritime.

💡 À noter : la propagation du son en mer est souvent meilleure qu’à terre. Il est parfois possible d’entendre un bateau avant de le voir sur l’horizon ou à travers la brume.

Se signaler : les signaux sonores obligatoires

Le RIPAM précise dans ses règles 34 à 36 les signaux à émettre pour prévenir ou alerter en navigation.

La règle 34 du RIPAM  liste les signaux à émettre quand les navires sont en vue.

  • 1 son bref = changement de cap sur tribord
  • 2 sons brefs = changement de cap sur bâbord
  • 3 sons brefs = marche arrière
  • 5 sons brefs = danger ou doute (signal d’alerte)

Le tableau ci-dessous donne un résumé.
RIPAM règle 34 signaux sonores

Pour ce faire, une corne de brume ou un sifflet sont nécessaires.

La règle 35 du RIPAM traite des signaux sonores par visibilité réduite.

De jour comme de nuit, à l’intérieur ou à proximité d’une zone où la visibilité est réduite, la règle 35c s’applique aux voiliers avec erre.

RIPAM signaux sonores Règle 35c

Un voilier faisant route avec erre doit émettre 1 son prolongé + 2 sons brefs toutes les 2 minutes.

La règle 36 traite des signaux destinés à appeler l’attention

Tout navire peut utiliser un signal sonore ou lumineux non ambigu pour appeler l’attention, sans risquer de confusion avec un feu de navigation.

Tout navire peut, s’il juge nécessaire d’appeler l’attention d’un autre navire, émettre des signaux lumineux ou sonores ne pouvant être confondus avec tout autre signal autorisé par l’une quelconque des présentes règles,
ou bien orienter le faisceau de son projecteur en direction du danger qui menace un navire de façon telle que ce faisceau ne puisse gêner d’autres navires. Tout feu destiné à attirer l’attention d’un autre navire ne doit pas
pouvoir être confondu avec une aide à la navigation. Aux fins de la présente règle, l’emploi de feux intermittents ou tournants à haute intensité, tels que les phares gyroscopiques, doit être évité

Matériel recommandé :

  • Corne de brume manuelle ou électrique, accessible depuis le cockpit.
  • Sifflet marin homologué, notamment utile en cas de panne de batterie.
  • Projecteur de pont (en lumière blanche) pour un signal visuel complémentaire en cas de besoin.

En résumé :

  • ÉCOUTER : en réduisant les bruits à bord et en maintenant une veille attentive, surtout en cas de brouillard ou de nuit sans lune.
  • SE SIGNALER : en respectant les signaux sonores prévus par le RIPAM, en utilisant une corne ou un sifflet marin.

En mer, un son bien émis ou bien perçu peut éviter un abordage. C’est souvent la voix du bon marin dans le brouillard.

Technique VHF & AIS: Communiquer et être localisé en toute sécurité

En cas de visibilité réduite — brouillard, grains, nuit noire sans lune — la radio VHF et le système AIS (Automatic Identification System) deviennent des alliés indispensables pour la sécurité du voilier et de son équipage.

Utilisation de la VHF marine

La VHF permet d’émettre des messages de sécurité et de prévenir les navires alentour de votre présence. Voici quelques bonnes pratiques :

  • Maintenir une écoute continue sur le canal 16.
  • Utiliser les appels de sécurité (SECURITE) pour signaler une navigation dans le brouillard ou une zone à visibilité limitée.
  • Échanger directement avec les navires proches pour coordonner les croisements ou éviter un abordage.

L’importance de l’AIS (Automated Identification System)

L’AIS est un outil de visualisation active : il transmet et reçoit les données essentielles (position, cap, vitesse) des navires équipés, même par visibilité nulle.
Deux options :

  • Récepteur AIS seul : vous voyez les autres, mais vous n’êtes pas vus.
  • Transpondeur AIS Classe B/B+ actif : vous êtes vus par les autres navires équipés de radar ou d’AIS.

Un AIS actif couplé à une antenne VHF en tête de mât permet une détection optimale jusqu’à 20 à 25 milles nautiques.

Je me souviens que lors de de notre route de nuit de Roskoff à Guernesey, l’écran AIS de la VHF portable montrait autour de nous des signaux de navires très proches (moins d’un quart de mile) alors qu’aucun navire n’existait. Ces vaisseaux fantômes ou faux signaux (spoofing, etc.) , deviennent de plus en plus fréquent.

En résumé :

  • VOIR : via l’écran d’AIS connecté à la VHF ou au traceur de carte.
  • ÊTRE VU : grâce à un transpondeur AIS actif et à la diffusion de votre position aux navires équipés à proximité.

Technique Radar: voir sans être vu… ou presque

Quand la mer devient blanche de brume ou noire d’encre, le radar de bord est souvent le seul œil fiable du navigateur.

Pourquoi utiliser un radar en navigation côtière ou hauturière ?

Le radar maritime permet de détecter :

  • Les côtes, les balises, les bouées non éclairées.
  • Les autres navires, même s’ils n’émettent aucun signal.
  • Les grains, les orages ou les zones de pluie (fonction « pluie » sur certains modèles).

Il affiche les cibles en mouvement sur un écran compatible, souvent situé à la table à cartes ou dans le cockpit. Certains radars récents disposent d’un mode anti-collision ou d’une superposition radar/cartographie pour faciliter l’interprétation.

Être repéré par les autres : rôle du réflecteur radar

Le radar vous permet de voir, mais pour être vu par les autres radars, votre bateau doit être « radar-visible » :

  • Un réflecteur radar passif, idéalement de type octaédrique avec une surface équivalente d’au moins 7 m², doit être solidement fixé dans le gréement.
  • Pour plus de sécurité, un détecteur de radar comme le Mer-Veille peut vous avertir lorsqu’un autre radar balaie votre zone.

En résumé :

  • VOIR : avec un radar actif monté sur mât ou portique, connecté à un écran dédié.
  • ÊTRE VU : avec un réflecteur radar passif efficace, et éventuellement un système d’alerte type Mer-Veille.

Le radar est particulièrement utile pour la veille de nuit, dans le brouillard, ou en navigation solitaire, quand la visibilité est compromise et qu’il faut anticiper les risques bien avant de les percevoir à l’œil nu.

Naviguer à l’aveugle… mais pas sans repères

Quand on est là-dehors, dans la purée de pois, la nuit ou sous la pluie battante, on se rend compte que voir et être vu, ça ne tient parfois qu’à un souffle. Pas besoin de mille instruments dernier cri, mais il faut savoir ce qu’on fait, avec ce qu’on a.

À bord du Margouya, on a appris (parfois à nos dépens) qu’une veille visuelle rigoureuse, une corne de brume à portée de main, une VHF allumée et un bon vieux réflecteur radar font toute la différence. On voit mieux, on est vus plus tôt, et surtout… on dort plus tranquille.

Aucune technique ne remplace le bon sens marin :

  • Lever les yeux et les oreilles,
  • Connaître son bateau,
  • Et toujours se demander : est-ce que l’autre me voit ? Est-ce que je le vois ?

Alors, oui, on parle de RIPAM, d’AIS, de radar… mais tout commence par l’attention du barreur, et le fait de naviguer avec humilité.

Bon vent à tous, et que vos routes soient claires — même quand la mer ne l’est pas.

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